Rencontre avec Isabelle Plante, directrice de la radio communautaire d’Anticosti

CJTB s’est entretenu avec la directrice générale de Radio Anticosti le mois dernier. Regards croisés sur les réalités et les défis de deux radios communautaires francophones en région éloignée.

Originaire de Laval, Isabelle Plante a eu un coup de cœur pour l’île d’Anticosti qui l’a poussée à s’y installer en 2016. Elle assure la direction générale de la radio locale depuis 2019. Rencontrée dans les bureaux de CJBE lors du passage de CJTB à Port-Menier le mois dernier, nous avons échangé sur les débuts de la station, les similarités de nos deux radios qui desservent de petites communautés — Port-Menier compte environ 150-160 habitants selon les années — mais aussi sur défis qui découlent de ces réalités communes.

Radio Anticosti fêtait ses 35 ans cette année. Née de la mobilisation de citoyens et citoyennes qui souhaitaient « se faire entendre » et avoir leur propre radio, la communauté a obtenu le financement de son antenne à la fin des années 1980. Dans l’attente du processus d’approbation de licence du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC), une radio pirate a vu le jour, la jeune station de radio émettant illégalement sur les ondes des émissions à l’intention de sa communauté. Récemment, Isabelle Plante a redécouvert les vieilles bandes audio de ces premières émissions et elle souhaite les numériser. Elle imagine aussi un projet de balado, pour conserver la trace des débuts de la radio :

« Les principaux acteurs, il y a en a qui sont encore ici sur l’île […] pendant que j’ai encore accès à cette mine d’informations et d’expériences […] je vais les amener à faire des entrevues […] pour aller recréer le début de la radio : comment ça s’est passé ? Ça se faisait tu dans le salon de matante ou ça se faisait dans un local précis? J’aimerais aller plonger là-dedans et laisser aussi une trace, parce qu’après dans 10, 15, 20 ans, ces gens-là ne seront plus de ce monde! »

Isabelle Plante, directrice de Radio Anticosti

En dépit de ce riche historique d’implication citoyenne, la directrice convient que le recrutement est actuellement un réel défi pour Radio Anticosti. Si le fonctionnement de la station a longtemps été assuré par des locaux, elle n’a pas réussi à pourvoir le poste d’animatrice laissé vacant depuis août 2022. Pourtant ce n’est pas faute de candidatures intéressantes, ou de jeunes motivés à venir prendre la relève, déplore-t-elle. Le manque aigu de  logement à Port-Menier l’empêche d’engager une personne provenant de l’extérieur de l’île, puisque l’organisme communautaire ne possède pas d’immobilisation pour la loger: « Si on n’habite pas déjà sur place présentement, il n’y a plus de possibilité de se loger […] On avait trouvé une personne vraiment parfaite en tout genre, qui voulait venir ici depuis au moins cinq ans, diplômé fraîchement […] qui voulait venir ici pendant des années, puis on n’a pas pu, à cause qu’il n’y avait pas de logement. » 

Sans animateur sur place, CJBE peine à atteindre son temps d’antenne dédié au contenu local exigé par le CRTC et la station engage à l’externe des animateurs et animatrices d’autres radios communautaires, qui produisent à distance des émissions et du contenu local.

D’ici à ce qu’une personne soit engagée, Isabelle Plante s’affaire à la restructuration de la radio et à la révision des états financiers et des conditions de travail. Une des réflexions qui l’habite également concerne l’implication des gens du village à la radio, qu’elle souhaiterait voir redevenir un lieu de rencontre et d’échange :

« Je veux ouvrir la radio d’une façon encore plus communautaire […] Venez me parler de votre recette de sauce à spagat, venez me parler de votre ménage de printemps […] J’aimerais ça être capable d’aller chercher un petit côté plus vivant de la radio. »

Isabelle Plante, directrice de Radio Anticosti

Réécoutez le segment de l’émission La voix du large diffusée le 14 novembre, où nous avons échangé avec le directeur de CJTB, Émile Neault, autour de cette entrevue avec Isabelle Plante et sur les similarités entre nos radios communautaires.