Entretien avec Corey Deveau, capitaine du Bella Desgagnés

Écrit par le 8 novembre 2023

Lors de mon voyage sur le Bella Desgagnés la semaine dernière, le capitaine du navire, Corey Deveau, a accordé une entrevue à CJTB, au lendemain d’une nuit mouvementée en mer et alors que nous faisions route vers l’Île d’Anticosti.

De forts vents — soufflant à 50 nœuds — avaient gardé le capitaine éveillé une bonne partie de la nuit. En ayant dû se résoudre à ne pas accoster au port de Natashquan en raison des mauvaises conditions météo, le navire mettait le cap ce matin-là sur Port-Menier après une escale de quelques heures à Havre-Saint-Pierre.

Corey Deveau est originaire d’un petit village côtier de la Nouvelle-Écosse. Il relate avoir « grandi sur l’eau », puisque les hommes de sa famille étaient tous pêcheurs de homard :

« Je viens de la Nouvelle-Écosse, d’un petit village appelé Mavillette, à la baie Sainte-Marie. C’est un village de pêcheurs, un peu comme Tête-à-la-Baleine ou d’autres villages sur la Côte. J’ai grandi sur l’eau, mon père faisait la pêche aux homards en hiver […] Je pense que c’est ce qui fait que j’aime la Côte, la Basse-Côte, c’est comme mon deuxième chez-moi, parce que je passe plus de temps ici qu’à la maison! »

Corey Deveau, capitaine sur le Bella Desgagnés

Si les homardiers sont les premiers bateaux qu’il a connus, Corey Deveau s’est ensuite engagé comme matelot et a gravi les échelons jusqu’à obtenir son brevet de capitaine, apprenant le métier de « la vieille façon », dit-il. L’institut maritime du Québec précise que ce cheminement « en solitaire » est possible, et se base sur le temps en mer et l’expérience professionnelle cumulée. Un matelot pourra ainsi devenir capitaine en eaux domestiques après avoir réussi des formations et une série d’examens de Transport Canada.

Capitaine sur le Bella Desgagnés depuis maintenant sept ans, Corey Deveau navigue cependant les eaux du golfe du Saint-Laurent et de la Basse-Côte-Nord depuis 14 ans, en ayant fait ses débuts comme premier officier sur le Nordik Express, le prédécesseur du Bella Desgagnés.

Le cargo-passager le Bella Desgagnés à quai à Havre-Saint-Pierre

Questionné sur les défis de son métier à la barre de ce navire de 6655 tonnes qui relie d’avril à janvier Rimouski et les villages de la Basse-Côte-Nord non desservis par la route, il explique que ce sont justement ces défis de la navigation en Basse-Côte qui le gardent passionné:

« Sur la Basse-Côte, il y a toujours un défi et c’est ce qui fait que ça fait 14 ans que je suis ici, c’est que toutes les semaines, c’est jamais la même chose. Les vents sont un défi. Les trois dernières années, les tempêtes sont beaucoup plus fréquentes et beaucoup plus épiques, et elles sont beaucoup plus longues. Avant, il n’y a pas si longtemps, tu avais une tempête de 50-60 nœuds une fois toutes les deux ou trois semaines. Maintenant 50 nœuds [de vent] on voit ça quasiment toutes les semaines. »

Corey Deveau, capitaine sur le Bella Desgagnés

Ces défis météorologiques compliquent le maintien de l’horaire des escales et des services de ravitaillement des villages de la Basse-Côte-Nord, spécifie-t-il. Interrogé à ce sujet sur le processus décisionnel lorsque le navire n’accoste pas à un port, il explique que la sécurité prime d’abord dans la décision et qu’il s’agit ensuite d’une évaluation des risques et des bénéfices :

« C’est la sécurité en premier : des gens, des passagers, de l’équipage et du bateau. Quand on annonce une tempête, je m’assis et je prends une décision. Est-ce qu’on peut poursuivre, aller voir au port? Une fois rendu sur place, dépendamment des conditions météo, je prendrai ma décision, si c’est sécuritaire à accoster ou pas. Après ça, on décide avec le bureau si j’attends : c’est quoi les conséquences d’attendre? C’est quoi les impacts sur le reste du voyage? […] C’est sûr qu’attendre 2h, tu as beaucoup moins d’impacts que d’attendre 24h. Ça peut être un avantage de ne pas arrêter, mais peut-être qu’on n’aura pas d’avantages, peut-être qu’il va faire tempête partout et qu’il faut attendre là et puis c’est tout. Mais c’est vraiment la sécurité en premier. »

Corey Deveau

Alors que le Bella Desgagnés entame sa basse saison touristique, et que l’équipage affecté au service passager se réduit, le capitaine et les officiers de navigation ne verront pas leurs tâches s’alléger. Avec l’hiver et les fêtes qui approchent, les Coasters font davantage de provisions, augmentant la quantité de marchandise à livrer.

Pour ce capitaine spécialisé dans la navigation des glaces, qui dit aimer « le travail dans la glace » avec les brise-glaces, les conditions hivernales amènent seulement un peu plus de défis.

Pour réécouter l’entrevue avec le capitaine à l’émission La Voix du Large le 6 novembre dernier:


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