Le patrimoine matériel de la Basse-Côte-Nord dépend maintenant d’une veille citoyenne
Écrit par Frédérique Lévesque le 16 mai 2025
L’organisme Archéo-Mamu Côte-Nord a déposé une ordonnance de faillite le 18 mars dernier. Cela a créé un regain d’intérêt pour l’organisme et l’impact de sa fermeture.
Fondé en 2015, l’organisme à but non lucratif voué à la conservation et à la mise en valeur du patrimoine archéologique a cessé ses activités depuis un an, nous confirme Vanessa Morin, archéologue de formation et ancienne co-directrice d’Archéo-Mamu Côte-Nord.
L’ancienne co-directrice de l’organisme nous explique qu’à la suite de l’étendue des activités d’Archéo-Mamu Côte-Nord, un mouvement de syndicalisation s’était formé. Malgré l’adhésion de l’organisme aux valeurs du mouvement, celui-ci n’était pas représentatif des réalités des Premières Nations. Financièrement, l’organisme ne pouvait pas non plus supporter une syndicalisation. La possibilité qu’Archéo-Mamu Côte-Nord se rende jusqu’en cours de justice pour éviter une syndicalisation n’était pas viable. Cet état des lieux, combiné à une dette a mené l’organisme à la faillite.
La fermeture d’Archéo-Mamu Côte-Nord a des impacts réels pour la préservation du patrimoine matériel de la Basse-Côte-Nord. Vanessa Morin nous rappelle que ce patrimoine est en danger. Sans veille officielle, il est aussi exposé aux éléments, puisque le couvert végétal est absent dans la région.
Ce patrimoine matériel est d’une grande richesse. L’archéologue de formation souligne que 20% des sites archéologiques reconnus au Québec sont sur la Côte-Nord. Dans ce contexte de grande richesse patrimoniale, l’archéologue rappelle aux citoyens les grandes lignes qui peuvent guider une découverte d’ordre archéologique.

En l’absence d’un organisme régional, nous avons contacté l’équipe de relations avec les médias du ministère de la Culture et des Communications. On nous précise par courriel que, « [b]ien que l’organisme Archéo-Mamu ait principalement exercé ses activités en Côte-Nord, il ne se substituait pas au ministère de la Culture et des Communications en matière de gestion du patrimoine archéologique. Toute demande de réalisation de fouilles archéologiques devait, et doit toujours, être adressée au Ministère. Il en va de même lorsqu’une découverte fortuite survient. »
Au niveau desdites découvertes et des actions entreprises ensuite, on nous explique qu’ « [a]près avoir analysé la découverte, le Ministère détermine si celle-ci est de nature archéologique ou non. Dans la majorité des cas, cette analyse ne nécessite pas de déplacement sur le terrain. Toutefois, un représentant du Ministère peut se rendre sur les lieux si la situation le justifie. » L’équipe ajoute que « [l]es biens et les sites archéologiques appartiennent au propriétaire du terrain où ils ont été découverts. Le Ministère peut accompagner la personne déclarante ou le propriétaire du bien afin d’assurer sa conservation et son entreposage dans des conditions adéquates. »
Si Archéo-Mamu Côte-Nord n’est plus là pour assurer une veille du patrimoine matériel sur la Basse-Côte-Nord, des citoyens et citoyennes continuent d’y œuvrer, à leur façon. C’est le cas de Treena Beaudoin, originaire de Blanc-Sablon.
Elle fait partie de ceux et celles qui assurent une prise en charge locale de ce patrimoine, que les gens se réapproprient par la même occasion. Treena Beaudoin nous a parlé de sa grande passion pour les sites archéologiques, les paysages naturels, les monuments anciens, qui pour elle, représentent l’histoire, la culture et l’identité de sa région.
À sa manière, elle assure une veille sur le patrimoine matériel de sa région. Lorsqu’elle trouve des artéfacts, par exemple, elle prend des photos, indique les coordonnées, prend des notes. Elle parle de sa passion autour d’elle, pour sensibiliser les gens de sa communauté sur la préservation des témoignages de l’histoire de la Basse-Côte-Nord.
Cet été, Treena Beaudoin ira avec son conjoint à la pêche aux homards. Cela lui permettra de continuer à mettre du temps dans ses projets de préservation du patrimoine matériel.
Avec d’autres férus d’archéologie, et avec la collaboration de la Municipalité de Blanc-Sablon, Treena Beaudoin prévoit transformer le site des tumulus de Brador, découvert au début des années 1970 par l’archéologue René Lévesque, en un attrait touristique. Le site daterait de 7 000 à 8 000 ans.
La MRC du Golfe-du-Saint-Laurent finance ce projet de reconstruction et de mise en valeur des tumulus de Brador, qui a commencé l’été dernier, sous la direction de l’anthropologue et archéologue William Fitzhugh.
Un projet connexe, mené par André Lavallée, a aussi été déposé cette semaine pour que l’archéologue Yves Chrétien puisse donner une séance d’informations publique à la communauté de Blanc-Sablon, sur le sujet des tumulus de Brador.
Pour les intéressés, Vanessa Morin nous rappelle l’existence de collections numérisées par Archéo-Mamu Côte-Nord, représentatives de toute la Côte-Nord, sur le site web d’Archéo-Lab, dans la famille Peuples de la Côte-Nord. Les gens peuvent y retrouver entre autres les artéfacts, leurs descriptions, leur contexte de découverte et leur datation.
Écoutez le reportage ci-dessous pour en savoir plus sur la fermeture officielle d’Archéo-Mamu Côte-Nord et ses impacts, la veille citoyenne du patrimoine matériel de la Basse-Côte-Nord et pour entendre Treena Beaudoin nous parler de tous les projets imaginés pour ce faire.
Photo mise de l’avant : Fouille archéologique à Blanc-Sablon. 2017, Archéo-Mamu Côte-Nord. Crédit Vanessa Morin.