Épisode 16 – Une chemise dans un sac de farine : quotidien et travail domestique

Visuel Emilie Pedneault 22 septembre 2021

Mme. Véronica Hodd, la femme du Docteur Donald G. Hodd, préparant une viande rôtie pour le souper. Crédit Collection Donald G. Hodd, gracieuseté de Dan Mauger.

Le quotidien et le travail domestique effectué principalement par les femmes touche d’assez près à la structure familiale. À l’image du Québec au début des années 1900, la figure du père est celle qui confère l’autorité. D’ailleurs, lorsqu’on veut parler d’une famille, le prénom du père est utilisé : « Chez Daniel », « Chez Pierre ». C’est le père qui représente, et qui est responsable des actions de sa famille nucléaire. Les choses changent déjà en 1970, mais fût un temps où la femme ne s’assoit pas avec son mari pour manger et ne parle pas à un étranger sans qu’on lui demande, ni ne reçoit d’étranger dans la maison lorsqu’elle est seule (Pleau, et al., 1970).

Les relations père-fille et mère-fils se font plus distantes alors que les enfants prennent de l’âge, résultant aussi du fait que le fils et la fille suivent respectivement leur père et leur mère dans leurs tâches quotidienne. Parfois, les filles peuvent sortir du cadre familial en devenant « servantes » rémunérées dans une autre famille, ce qui est argumenté de leur part pour recevoir un salaire de leur propre famille ou pour avoir une plus grande liberté. Généralement, on observe une grande complicité mère-fille. Quant à eux, les fils reçoivent souvent seulement la moitié de leur part normale lorsqu’ils pêchent au loup-marin, notamment, avec leur père, puisqu’ils sont logés et nourris et qu’ils paient ainsi ce service. Les relations familiales globales sont surtout entretenues par le biais des femmes (sœurs, tantes, etc.) (Pleau, et al., 1970).

L’héritage de biens matériels reliés surtout à la pêche, mais aussi au terrain et aux meubles, se fait de père en fils. Seul l’argent liquide est distribué aux filles des ménages, à moins qu’elles soient les seules héritières et c’est alors à la cadette que reviendra la maison paternelle. Autrement, les frères se partagent les héritages ensemble, le cadet étant celui qui hérite de la maison puisqu’il aura pris soin de ses parents lors de leur vieillesse. Les fils poursuivent souvent le métier de pêcheur appris aux côtés de leur père. À noter qu’avant la période de resserrement du village dans les années 1950, les maisons voisines sont possédées par les membres d’une même famille. Cela est devenu impossible avec le rapprochement des demeures entre elles : le fils ne pouvant plus se construire aux côtés de son père (Pleau, et al., 1970).

Cette photo montre Suzanne Harris-Letemplier sur son balcon, 1948. Crédit BAnQ de Sept-Îles, Fonds Groupe d’action et de développement économique et culturel de la Basse Côte-Nord. Il s’agit d’un rare moment de repos pour les femmes de cette génération dans la région.

Comme il en est question en début d’épisode, les familles étaient bien nombreuse au XXème siècle. Mme. Frank Misson, une enseignante venue au village en 1922 a rédigé quelques souvenirs du quotidien dans la maisonnée de dix enfants des Anderson chez qui Mme. Frank Misson logeait. Cette maison était à l’image des autres demeures : dépourvue de peinture à l’extérieur comme à l’intérieur. Ce manque de couleur affecta Mme. Frank Misson à tel point qu’elle commanda de Havre-Saint-Pierre, son village d’origine, ce qu’elle appelle du « papier tenture » aux motifs floraux, pour mettre sur les murs de sa chambre. Dans le récit de son séjour à Tête-à-la-Baleine en 1922, et rédigé à la machine à écrire en 1968, Mme. Frank Misson, jeune enseignante, écrit

« Les carreaux de ma fenêtre étaient si sales que je ne pouvais voir l’extérieur. Je m’armai d’une sorte de vadrouille confectionnée avec des morceaux de sac enroulés autour d’un vieux balai, je me munis d’un seau d’eau chaude et de savon et je m’attaquai à la croute qui recouvrait les vitres. Les garçons qui couchaient au-dessus de ma chambre avaient l’habitude de vider leur pot-de-chambre par la fenêtre et le vent, en projetant le contenu sur la fenêtre, y traçait de curieuses fleurs. »

Si les pots de chambres étaient d’usage au village, ils l’étaient aussi au large. On appelle « catherines », ces sots de métal qui était vidés dans le Golfe et qui furent plus tard remplacés par des salles de bain.

Découvrez le documentaire Avant le jour de Lucie Lambert réalisé en 1999, disponible en ligne sur notre site web, sur la page Vie du village sous l’onglet Page communautaire. Ce documentaire donne la voix à quelques femmes de la région, notamment à Tête-à-la-Baleine, et permet de comprendre mieux une partie du quotidien de ces femmes, qui avait déjà bien changé au tournant du XXIème siècle.

Découvrez la carte graphique de Tête-à-la-Baleine réalisée par l’artiste Emilie Pedneault sur notre site web, sur la page Vie du village sous l’onglet Page communautaire.

Pour écouter l’épisode complet, cliquez ci-dessous.

http://https://soundcloud.com/user-481565832/episode-16-une-chemine-dans-un-sac-de-farine-quotidien-et-travail-domestique/s-ESgJrjDNXD3

Toute l’équipe de la radio communautaire Tête-à-la-Baleine ainsi que la réalisatrice du balado, Frédérique Lévesque, tiennent à remercier chaleureusement toutes les personnes impliquées de près ou de loin dans la mise en forme de ce projet rassembleur. Merci plus spécifiquement au Fonds canadiens de la radio communautaire et à leur programme Radiomètre qui a financé ce balado, ainsi qu’aux productions du Garde-Robe qui ont optimisé certains extraits de vieilles cassettes audios.

Tous les épisodes sont également disponibles sur les plateformes classiques d’écoute en ligne. Recherche et réalisation, Frédérique Lévesque. Un projet original de la Radio CJTB. Visuels du balado réalisés par Emilie Pedneault.



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