Épisode 5 – Le filet vide, la mémoire pleine : histoire des pêches allant des poissons aux crustacés

Visuel Emilie Pedneault 31 août 2021

Plusieurs techniques de pêches traditionnelles à Tête-à-la-Baleine sont inspirées par les pêcheurs terre-neuviens, dont les goélettes viennent mouiller dans les havres de Tête-à-la-Baleine jusque dans les années 1935. À bord, on retrouvait de 8 à 9 hommes, qui pêchaient la morue de rivage. Ils s’installaient dans les havres naturels de la côte et aux meilleurs endroits de pêche « à la trappe ». Cet envahissement de goélettes terre-neuviennes, jusqu’à une quinzaine dans un même havre, rime dans la mémoire collective avec une abondance de poissons. Ces pêcheurs sont ensuite chassés par certains autres pêcheurs de Tête-à-la-Baleine qualifiés à l’époque « d’individualistes ». Il faut souligner que les quantités de poissons diminues simultanément au départ des goélettes terre-neuviennes, ce que les baleinois et les baleinoises perçoivent comme une malédiction lancée par les pêcheurs terre-neuviens. Une loi est ensuite passée, interdisant la pêche à la morue par des pêcheurs de l’extérieur (Pleau, et al., 1970).

Les femmes aident beaucoup à la préparation du poisson. Un témoignage d’une femme de l’époque à Tête-à-la-Baleine a été conservé à l’écrit, le voici:

« dans ce temps-là, toute la morue se vendait séchée. Il fallait que la morue ait « cinq soleils » pour être sèche. Les créatures [femmes], on travaillait autant que les hommes au poisson… Des fois le matin il fallait les retourner pour qu’elles sèchent des deux côtés. » (Pleau, et al., 1970)

Poissons retournés pour être séchés au soleil à Harrington Harbour. Crédit Collection Donald G. Hodd, gracieuseté de Dan Mauger.

Jos Hébert, sur la gauche, quelques années avant son décès, 1915. Crédit Collection B. Landry, gracieuseté de Guy Côté.

La conserverie ou «factrie» de Frank Jones à Wolf-Bay entre La Romaine et Chevery. Frank Jones, Freddie Jones et Florence Jones devenue Mme. Sam Anderson figurent sur la photohraphie, 1935. Crédit Collection Donald G. Hodd, gracieuseté de Dan Mauger.

À Tête-à-la-Baleine, comme ailleurs en Basse-Côte-Nord, les revenues de la pêche fluctuent énormément. Vers 1840, les conditions de vie des pêcheurs semblaient si bonnes qu’elles ont attiré plusieurs colons francophones, qui arrivairent par dizaine, cette année-là. Cependant, les conditions se dégradent conséquemment aux faillites des pêches de loup-marin, de saumon et de morue. Cela mènera à un dépeuplement de plusieurs familles qui quittent le village dans les années 1870, simultanément à une arrivée de terre-neuviens et de terre-neuviennes. En 1908, les pendules s’inversent et Tête-à-la-Baleine possède l’un des principaux postes de pêche de la Côte-Nord. Cette industrie y figure, seule, et les prises rassemblent notamment morue, homard et loup-marin, permettant des revenus entre 400 et 600$ par famille. Bien des années plus tard, en 1970 et toutes pêches de poissons confondues, Tête-à-la-Baleine possède une assez bonne moyenne et arrive en sixième rang des endroits où ont été dénombrées le plus de prises, parmi toutes les localités de la Côte-Nord (Charest, 1970).

Michel Bertrand et Ted revenant de la pêche avec 6000 livres de morues, 25 juin 1981. On peut voir des caisses de la compagnie Primonor. Crédit Soeurs de Notre-Dame du Saint-Rosaire.

Usine de la St-Lawrence Sea Products à La Tabatière, comté de Saguenay, 1943. Crédit Vadim Dimitrovicht Vladykov, BAnQ de Québec.

Après les goélettes, les bateaux traditionnels et les gaspésiennes viennent les chalutiers. Ces chalutiers des années 1970 n’ont pas très bonne presse auprès de la population qui considère parfois que leur présence interfère avec le cycle naturel de la mer, ce qui peut expliquer les pêches moins fructueuses (Pleau, et al., 1970).

Jean-Claude se préparant pour la pêche aux crabes à Tête-à-la-Baleine, 1999. Crédit Soeurs de Notre-Dame du Saint-Rosaire.

Pêche aux crabes. Crédits Soeurs de Notre-Dame du Saint-Rosaire.

Découvrez plus de détails sur la pêche à la morue et les marchés de la morue salée dans la région, grâce au travail de Newfoundland and Labrador Heritage en allant sur leur site web.

Découvrez des informations précises sur la trappe à la morue, consignées par le Ministère des Pêches et et des Océans de la région de Terre-Neuve juste ici : https://waves-vagues.dfo-mpo.gc.ca/Library/149366.pdf

Découvez le documentaire Le filet vide, sorti en 1994 et réalisé par Alain Bellhumeur et son équipe, sur les impacts locaux du premier moratoire sur la pêche à la morue.

Découvrez la carte graphique de Tête-à-la-Baleine réalisée par l’artiste Emilie Pedneault sur notre site web, sur la page Vie du village sous l’onglet Page communautaire.

Pour écouter l’épisode complet, cliquez ci-dessous.

http://https://soundcloud.com/user-481565832/episode-5-le-filet-vide-la-memoire-pleine-histoire-des-peches-allant-des-poissons-aux-crustaces/s-Y0Llgp6wOAD

Toute l’équipe de la radio communautaire Tête-à-la-Baleine ainsi que la réalisatrice du balado, Frédérique Lévesque, tiennent à remercier chaleureusement toutes les personnes impliquées de près ou de loin dans la mise en forme de ce projet rassembleur. Merci plus spécifiquement au Fonds canadiens de la radio communautaire et à leur programme Radiomètre qui a financé ce balado, ainsi qu’aux productions du Garde-Robe qui ont optimisé certains extraits de vieilles cassettes audios.

Tous les épisodes sont également disponibles sur les plateformes classiques d’écoute en ligne. Recherche et réalisation, Frédérique Lévesque. Un projet original de la Radio CJTB. Visuels du balado réalisés par Emilie Pedneault.



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