Épisode 17 – La bénédication des bateaux : importance de la religion au village

Visuel Emilie Pedneault 22 septembre 2021

La Basse Côte-Nord est considérée comme une « terre de mission » depuis 1840. Auparavant, les services religieux étaient inexistants, de 1820-1840, bien que les habitants manifestaient tout de même leur appartenance religieuse en plantant des croix, par exemple. Les premiers missionnaires arrivent en Basse-Côte-Nord dès 1844. Les visites aux familles de pêcheurs dispersées sur la côte se font alors par des prêtres du diocèse de Québec, environ une fois l’an, dès 1847. Le diocèse de Québec a donc en main les communautés de la Côte-Nord, jusqu’en 1866, aux côtés de missionnaires oblats. De 1867 à 1882, la région entre Rivière Portneuf et Blanc-Sablon est gérée par le diocèse de Rimouski sous l’évêque Monseigneur Jean Langevin, puis en 1882 la région fait partie de la préfecture apostolique du Golfe Saint-Laurent, desservie par des missionnaires Eudistes, et dont le premier préfet est François-Xavier Bossé. Après divers changements organisationnels, en 1945, la Basse Côte-Nord intègre le diocèse de Labrador City-Schefferville, dont le premier vicaire apostolique est Mgr. Lionel Scheffer. Les missionnaires oblats de Marie-Immaculée prennent alors le relais des Eudistes qui étaient présents sur le territoire depuis des décennies. En 2007, la région intègre le diocèse de Baie Comeau (Charest, 1970 ; Diocèse de Baie Comeau, Aspirot, 2008).

Avant l’arrivée des pères oblats, il y eu plusieurs frères oblats déployés sur la Basse Côte-Nord, dont un tiers auraient séjourné à Tête-à-la-Baleine. Ainsi, les pères ouvrent les missions, mais elles ont été construites par les frères oblats. Ces frères sont d’ailleurs par la suite réquisitionnés à plusieurs reprises. Cela permet, avec l’aide de la population, de construire de multiples bâtiments au village (Nadeau, 1988).

Dans les contes et légendes de Tête-à-la-Baleine, les missionnaires font figure de héros civilisateurs, « à la fois familiers et imposants ». Lorsque l’évêque arrivait, des témoignages consignés dans des archives indiquent que tout le monde devait aller à sa rencontre, et des coups de fusils étaient tirés. L’évêque donnait aussi toujours sa bague à embrasser. La population devait se prosterner, même si c’était l’hiver, sur la neige (Mailhot, 1964, dans Pleau, et al., 1970). Vêtus de leur soutane noire ornée d’une ceinture violette, ou encore d’un ceinturon et de boutons rouges, les évêques qui passent au village ont des accueils chaleureux. Le père Gabriel Dionne organise un accueil assez grandiose a l’oblat Monseigneur Henri Légaré lorsque celui-ci visite Tête-à-la-Baleine, en hiver. Alors que l’avion se dépose sur la Baie Plate, un cortège de 50 motoneiges escortent la carriole de Mgr Légaré, décorée de rouge et de vert et tirée par six chiens (Nadeau, 1988). Quant à lui, le curé est le « héros ecclésiastique dont on ne cesse de rappeler la sainteté et la puissance, et de citer les guérisons miraculeuses et les exploits les plus sensationnels, voire même les résurrections » (Mailhot, 1964, dans Pleau, et al., 1970).

Monseigneur Lionel Scheffer, premier vicaire apostolique du diocèse de Schefferville-Labrador de 1946 à 1966, passera par Tête-à-la-Baleine. Notamment, il est de passage en juillet 1948 où il célèbre sa première messe dans la Chapelle Sainte-Anne-de-l’Île-Providence. Il est surnommé le quêteux par les gens au village, puisqu’il demande souvent de l’argent aux plus nantis afin d’aider les plus pauvres. Une générosité à coups de bonbons, de pommes et de linge (Frenette, 1996 ; Archives de la Radio CJTB).

Monseigneur Lionel Scheffer et Père Gabriel Dionne. Crédit Soeurs de Notre-Dame du Saint-Rosaire.

Arrivée de Monseigneur Lionel Scheffer, hiver 1957. Crédit Soeurs de Notre-Dame du Saint-Rosaire.

Monseigneur Lionel Scheffer sur le parvis de l’église Sainte-Anne, avant 1966. Crédit Soeurs de Notre-Dame du Saint-Rosaire.

En 1955 ou 1956, le village accueille trois ou quatre religieuses de la congrégation Notre-Dame du Saint-Rosaire. Elles œuvreront principalement dans l’enseignement, bien qu’elles fassent bien d’autres tâches connexes en aide au prêtre ainsi qu’en activités parascolaires. C’est à la suite d’une demande de Monseigneur Sheffer en 1954, alors vicaire apostolique du Labrador, que son mobilisées les sœurs de cette congrégation dont la maison mère est à Rimouski. Les Sœurs de Notre-Dame du Saint-Rosaire sont présentes au village jusqu’en 2009, année du départ de Sœur Laurette Gagnon (Patrimoine religieux immatériel du Québec, 2020).

Sur cette photo, soeurs Laurette Villeneuve, Réjeanne Arsenault, Élise Thibault et Anysie Caron, toutes de la congrégation des Soeurs de Notre-Dame du Saint-Rosaire. Crédit Soeurs de Notre-Dame du Saint-Rosaire.

À l’image de la bénédiction des bateaux, il serait arrivée au moins une fois que la communauté se soit rassemblé pour la bénédiction des motoneiges, en décembre. La prégnance de la pêche au village influence aussi d’autres pratiques religieuses à Tête-à-la-Baleine. Dans les années 1940, l’eau du Golfe est bénite par le père Michaud (1940-1946) pour que les chiens-de-mer, le nom local qui désigne de petits requins, cessent de manger les filets de pêche (Archives de la Radio CJTB).

Bénédiction des bateaux. Crédit Paroisse Sainte-Anne.

Bénédiction des bateaux. Crédit Paroisse Sainte-Anne.

Bénédiction des bateaux. Crédit Paroisse Sainte-Anne.

 

Bénédiction des bateaux sur l’île Providence, lors de la fête de Sainte-Anne et du 105ème de l’église du large. Crédit Soeurs de Notre-Dame du Saint-Rosaire.

Jusqu’au père Dionne, la messe est célébrée exclusivement en latin. De plus, les prêtres célébraient la messe en étant dos à l’audience. Le père Dionne prononcera les offices de la semaine sainte entièrement en langue française en 1968, donc, et il construira un deuxième autel afin de célébrer la messe face à l’audience. C’est aussi lui qui instaure la présence de la guitare lors des messes.

Chorale de Tête-à-la-Baleine, messe extérieure. Crédit Soeurs de Notre-Dame du Saint-Rosaire.

Chorale de Tête-à-la-Baleine à l’extérieur. Plusieurs femmes jouent de la guitare. Crédit Paroisse Sainte-Anne.

Le père Gabriel Dionne a participé à la vie sociale, économique, politique, agricole et éducative au village, en plus d’y accomplir selon les dires de certains deux miracles. Pour l’en remercier, il est mainte fois célébré. En 1964 le village lui offre pour le quinzième de son arrivée, une machine à écrire, qui s’avérera très pratique pour ses fonctions à la Caisse populaire du village (Nadeau, 1988).

Père Gabriel Dionne et sa nièce qui fut aussi infirmière, Francoise Gagnon, janvier 1958. Crédit Soeurs de Notre-Dame du Saint-Rosaire.

Le départ du père Dionne se fait dans les larmes alors qu’il célèbre sa dernière messe, le 15 août 1974. Pour l’occasion, une coquille de pétoncle avait été préparée artistiquement par les sœurs de Notre-Dame du Saint-Rosaire, et avait été remise au père Dionla voisne, des mains du dernier couple qu’il avait marié. Dans le pétoncle se trouvait une bourse de 566$, ramassée par les baleinois.es en guise de cadeau d’adieu. La soirée se clôt avec un feu de grève dans lequel brûlent des proues de barques malmenées par les éléments (Nadeau, 1988).

Père Gabriel Dionne. Crédit Soeurs de Notre-Dame du Saint-Rosaire.

Père Gabriel Dionne à la guitare. Crédit Soeurs de Notre-Dame du Saint-Rosaire.

Découvrez La voix d’un silence : histoire et vie de la Basse-Côte-Nord écrit par le père Gabriel Dionne et publié en 1985 chez Leméac.

Découvrez Par-delà le fleuve Présence des soeurs de Notre-Dame du Saint-Rosaire sur la Basse-Côte-Nord de la Province de Québec, publié en 2008 chez Les Publications R.S.R.

Découvrez la carte graphique de Tête-à-la-Baleine réalisée par l’artiste Emilie Pedneault sur notre site web, sur la page Vie du village sous l’onglet Page communautaire.

Pour écouter l’épisode complet, cliquez ci-dessous.

http://https://soundcloud.com/user-481565832/episode-17-la-benediction-des-bateaux-importance-de-la-religion-au-village/s-2Zq0CC5xucm

Toute l’équipe de la radio communautaire Tête-à-la-Baleine ainsi que la réalisatrice du balado, Frédérique Lévesque, tiennent à remercier chaleureusement toutes les personnes impliquées de près ou de loin dans la mise en forme de ce projet rassembleur. Merci plus spécifiquement au Fonds canadiens de la radio communautaire et à leur programme Radiomètre qui a financé ce balado, ainsi qu’aux productions du Garde-Robe qui ont optimisé certains extraits de vieilles cassettes audios.

Tous les épisodes sont également disponibles sur les plateformes classiques d’écoute en ligne. Recherche et réalisation, Frédérique Lévesque. Un projet original de la Radio CJTB. Visuels du balado réalisés par Emilie Pedneault.



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